Peut on annuler une vente? La reporter? Signé c’est acheté…. Pour le meilleur et pour le pire. Dans quelles circonstances peut on envisager de rompre son engagement à acheter un bien immobilier?
Gabrielle, une jeune professionnelle fraichement reconvertie dans l’immobilier, me contacte récemment au sujet d’un compromis de vente qu’elle doit faire signer à ses clients. Elle s’interroge car elle fait face à une situation inédite et, avant de faire une erreur préjudiciable, qui entrainerait non seulement l’absence de commission mais aussi une mauvaise réputation pour son agence immobilière, elle veut mon avis.
Son client Monsieur Pierre envisage de se porter acquéreur d’un terrain constructible sur la commune de Château La Branche. Mais il s’inquiète car il redoute que le projet de maison qu’il souhaite construire soit refusé par la mairie. Il veut construire une maison passive d’une superficie de 230m2. Si son projet ne peut aboutir il ne sera plus intéressé par le terrain. Cet argument est tout à fait compréhensible mais comment le gérer intelligemment dans un compromis de vente?
Je suggère à Gabrielle d’insérer une condition suspensive mais elle doit être encadrée et validée par le vendeur. En effet, une condition suspensive est comme son nom l’indique une condition qui peut mettre fin à la vente sans indemnité de part et d’autre. C’est un évènement futur et incertain dont on fait dépendre la naissance d’une conséquence ( ça va vous suivez?).
Il existe plusieurs conditions suspensives légales, habituelles :
L’obtention de prêt: la loi Scrivener de 1979 impose la présence d’une clause dans tout avant contrat prévoyant que l’acquéreur peut mettre fin à son engagement en cas de refus de l’organisme bancaire de lui octroyer son prêt
Le décès de l’acquéreur en cas de recours à un emprunt, car si l’acquéreur a prévu un financement de son acquisition comptant, les ayants droit devront conclure l’achat. Le décès du vendeur engage également ses héritiers à poursuivre la vente.
L’absence d’inscription hypothécaire ne pouvant être levée du fait de la vente (si le bien est hypothéqué à hauteur de 300.000€ et que le bien est vendu 250.000€…… OUI c’est un problème)
Le droit de préemption tire son origine du latin « Emptio » qui signifie l' »achat ». Ce terme signifie donc « avant l’achat ». Différentes collectivités publiques bénéficient d’un droit de préemption qui leur permet de se porter acquéreur devant l’acquéreur. Ce dernier n’aura alors que ses yeux pour pleurer. De même, un locataire à qui un congé pour vente a été délivré est prioritaire. Voir l’article C’est occupé!
L’absence de servitude d’urbanisme : c’est à dire l’absence d’un droit conféré sur un bien pouvant en modifier la jouissance. Par exemple, la loi Littoral impose un passage piéton sur les propriétés situées en Bord de mer. Je me souviens avoir vu dans les années 1990 de majestueuses propriétés de la Côte d’Azur qui ont tenté de fermer le passage pour s’accorder un accès direct à la mer privatif. Ce n’est pas possible, mais évidemment le prix d’une villa avec plage privée n’est pas le même que celui d’une villa où défilent les touristes au mois d’août en fond de parcelle!
En général la personne qui se porte acquéreur est au courant de ce genre de servitudes mais s’il venait à le découvrir, alors il pourrait se retirer de la vente. Idem pour une parcelle boisée qui se retrouve classée et donc inconstructible. Le plus d’informations vous pourrez communiquer à l’acquéreur en amont, mieux vous pourrez sécuriser la transaction, et donc le paiement de vos honoraires.
Il y a aussi des conditions suspensives, dites « conventionnelles », c’est à dire qui résultent d’un accord entre vendeur et acquéreur.
Vous l’aurez compris Monsieur Pierre, le client de Gabrielle a raison de s’inquiéter car le fait de construire la maison de ses rêves n’est pas une condition suspensive de droit. Bien sûr, un certificat d’urbanisme positif est une condition suspensive qu’on ajoute facilement et qui est parfaitement admise par le vendeur.
Mais « pouvoir construire » ne signifie pas « construire ce que l’on veut ». Indiquer que l’acquéreur aura la possibilité de mettre fin au compromis de vente, juste parce que son projet est refusé par le service d’urbanisme de la commune concernée me paraît trop vague. Il faut impérativement encadrer la condition. N’oublions pas que nous avons un vendeur en face qui doit aussi être protégé.
En général au moment du compromis l’acquéreur n’a pas encore payé l’architecte pour le dépôt de permis, donc il ne sait pas si son projet est viable. Il faut néanmoins prévoir que son projet se conforme aux dispositions du PLU en vigueur. Cela évitera les projets farfelus. C’est vrai que les clients sont plutôt responsables mais se lancer dans un projet de construction n’est pas évident, il est important de rassurer son acquéreur.
Laissez moi vous raconter une expérience hallucinante que j’ai vécue au début des années 2000 et qui vous prouvera que la condition d’obtention de permis doit être précise. J’exerçais sur un secteur assez dense, les terrains étaient une denrée rare. Les prix s’en ressentaient. Un couple de clients se portent acquéreur d’une petite maison en très mauvais état sur un terrain assez étroit en vue de la démolir et de construire leur maison. Ils consultent des constructeurs préalablement à l’engagement. Ils financent l’acquisition grâce à leurs deniers personnels et projettent d’emprunter pour la construction. Ils renoncent donc à la condition suspensive d’obtention de prêt. Les vendeurs acceptent l’insertion d’une condition suspensive d’obtention de permis de construire mais pas la purge des recours. Ils ont un projet d’achat à la suite et ne peuvent perdre plus de temps. Le marché de l’immobilier dans cette banlieue en bordure de Paris, donne raison à leurs exigences. L’acquéreur souhaite tout de même s’engager. La condition n’étant pas bordée, ils ont fourni quelques mois après un permis refusé par la commune. La vente était donc caduque. Mais en y regardant de plus près, le permis déposé portait sur l’élévation d’une maison de six niveaux sur une largeur de 4 mètres, avec des ouvertures uniquement en mitoyenneté et aucune en façade. Ce n’était évidemment pas un projet viable en regard du Plan d’Occupation des Sols de l’époque ( on ne disait pas encore Plan local d’urbanisme). Les acquéreurs s’étaient rendu compte après coup que le coût de la construction dépassait leur capacité de remboursement. Ils avaient renoncé à la condition suspensive d’obtention de prêt. Ils ont préféré se désengager en présentant un projet déraisonnable à la Mairie qui l’a bien sur rejeté. J’aurais été curieux de voir le résultat d’une telle maison, les voisins aussi je suppose!!!!!
![numerobis2[1]](https://renatoponzio.files.wordpress.com/2020/03/numerobis21.jpg)
Alors la condition d’obtention du permis peut être intégrée, mais pensons aussi au recours des tiers. Même si aujourd’hui le recours abusif est puni par la loi, il n’en reste pas moins que l’activation d’un recours bloque le projet et le retarde. En principe je conseille toujours mes clients acquéreurs de demander une condition suspensive d’obtention de permis purgé de tout recours. Dans ces cas là, il faut informer le vendeur que la signature définitive ne pourra pas avoir lieu dans les délais habituels. Si on prévoit, deux mois pour déposer la demande de permis, puis deux mois de délai d’instruction par la mairie et enfin deux mois de recours à compter de l’affichage du permis, on arrive à 6 mois, minimum pour signer l’acte définitif. Il faut que le vendeur en soit conscient et d’accord pour attendre.
Il peut également arriver qu’un acquéreur souhaite fermer un balcon par une véranda dans une copropriété , là il faudra demander l’autorisation à l’assemblée générale, qui se réunit une fois par an. Il y a la possibilité de convoquer une assemblée extraordinaire mais les frais engendrés devront être acquittés par le vendeur. Là encore, tout est possible à condition de bien expliquer les conséquences aux parties.
La condition suspensive peut être une solution pour rassurer et aider l’acquéreur à prendre sa décision d’achat mais si vous savez d’ores et déjà qu’elle sera impossible à lever, il est inutile de perdre son temps. C’est aussi à vous, professionnel, de vous renseigner pour savoir dans quelles conditions une construction est envisageable. Si le critère superficie minimale de terrain n’est pas respecté, vous savez que le projet n’a aucune chance d’aboutir.
Gabrielle a réuni ses clients pour définir la condition suspensive la plus équitable pour le vendeur et l’acquéreur et la vente s’est réalisée dans de très bonnes conditions.
Ce sont des cas que nous rencontrons plus ou moins selon les zones d’activité, il est donc intéressant de prendre ses précautions quand le cas se présente pour conseiller au mieux vendeur et acquéreur. Vous, professionnels, n’en ressortirez que grandis car vous aurez su apporter votre expertise et vos conseils avisés aux parties.
A noter : en dehors d’une condition suspensive clairement énoncée, l’acquéreur ou le vendeur devra indemniser l’autre partie s’il ne conclut pas la vente.
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